Que mangerons-nous demain ?
Le numérique bientôt
dans nos assiettes ? Quand certains défendent un moyen de contrer la
pénurie, d’autres s’insurgent autour de la dénaturalisation de la consommation.
Quoi qu’il en soit, après avoir conquis les objets, avec l’impression
3D, il n’est guère surprenant de le voir s’attaquer au vivant.
Si la nourriture 2.0 en est encore à ses balbutiements, elle n’en reste pas moins le nouvel Eldorado des technologies d’avant-garde. A la manière de la Silicon Valley à ses débuts, de nombreuses start-up se sont lancées dans l’expérience en s’associant à des laboratoires. Toutes redoublent d’efforts pour proposer leurs produits pour le moins surprenants.
C’est le cas de Hampton Creek. L’entreprise américaine a trouvé la combinaison de protéines végétales et synthétiques qui permettrait de reproduire des œufs de poule sans nécessité d’élevage animal. Un produit miracle, selon Hampton Creek, qui se félicite de stopper, ainsi, la pollution (avec la baisse de ressources exigées) et d’endiguer la souffrance animale. Son produit phare, Just Mayo (une mayonnaise de substitution) commence à se faire un nom auprès des gros distributeurs américains mais aussi asiatiques.
Plus synthétique encore que Just Mayo, Soylent, crée par Rob Rhinehart : une boisson composée uniquement de nutriments. D’après son fondateur, ce liquide pourrait remplacer toute forme de nourriture solide. Pour se faire connaître, l’industriel n’a pas hésité à se mettre en scène sur un blog où il montrait, durant plus d’un mois, qu’on pouvait se nourrir uniquement avec Soylent et avoir une meilleure santé. Véridique ou non, le blog a eu son effet buzz, puisque Rob Rhinehart a levé plus de 100 000 dollars via le crowdfunding en moins de deux heures…
Le plus surprenant
reste la dernière innovation en date : l’imprimante 3D. Et oui, cette
dernière s’est attaquée à la nourriture et plus particulièrement à la pizza. Financée en partie par la NASA, elle devrait pouvoir être utilisée par les
astronautes. Un tel appareil pourrait servir à termes « à lutter contre la faim et la malnutrition »,
d’après son ingénieur Anjan Contractor. Dans tous les cas, son mode de
fabrication est sans conteste plus écologique à côté des quantités de produits pour
l’instant utilisées dans l’industrie traditionnelle.
Une réelle industrie pour demain ?
Si
ces nouvelles formes de nourriture peuvent faire pour l’instant sourire, tant
elles sont vendues comme les solutions miracles, certains restent prudents voire
sceptiques. « Il faut comprendre que ces
nouveaux "agriculteurs”, ont des formations et des modes
de réflexions qui ne doivent rien à l’industrie agroalimentaire traditionnelle,
mais tout à l’esprit startup de la Silicon Valley », explique Claude Fischler, sociologue spécialiste de l’alimentaire. Un
avis partagé par le New York Times,
qui publiait récemment que « certaines
de ces sociétés ont des
programmeurs écrivant du code pour tester les plats et déterminer les
catégories d’ingrédients qui peuvent aller ensemble, plutôt que des goûteurs... »
D’après Claude Fischler, il n’y a pourtant pas à s’inquiéter
aujourd’hui :
« Ces produits ne seront
commercialisés à grande échelle que dans de nombreuses années. D’ici là, on saura
s'il y a un souci ou pas. » Pourtant, il se pose la question de
l’intérêt des recherches : « Il
est étonnant à mes yeux de chercher à produire plus, via des procédés incertains,
quand il est prouvé que le végétal apporte tous les nutriments nécessaires à la
vie en bonne santé. »